20 juin 2010

Huit mois sans voir la télé




Dans le film « Les incorruptibles » de Brian de Palma, le gangster Al Capone souhaite bon appétit a un compagnon en lui assenant un coup de batte de base-ball sur le crane. Cela résume le traitement des gérants des médias envers leurs audiences. Pour qu’elles consomment un produit, ils les gavent de spots publicitaires jusqu'à ce que cela les ennuie.

Ils oublient un détail: il y a 50 ans on inventa la télécommande. Il est inutile d’envoyer une surdose de publicité à une audience qui la fuit en changeant de chaine. Celui qui essaye de rompre le crane du public, finit par avoir mal à la tète.

Avec la télécommande le gérant se retrouve face a une alternative : rendre la publicité supportable sur sa chaine, ou insupportable sur toutes les chaines. Vous savez déjà l’option qui a été choisie. En conséquence de cela le public a abandonné la télévision gratuite. Malheureux le gérant qui frappe son propre nid.

Mais où a donc fuit l’audience? Moi j’ai jeté l’éponge et je suis resté 14 ans sans regarder le petit écran. D’autres ont trouvé asile dans la TV payante car elle offrait des programmes Premium sans interruptions.

Grace à cette promesse, la TV payante registrée couvrait en 2008 26% des foyers, 3 millions de familles, autour de 15 millions de vénézuéliens. Cavetsu calcule sur sa page web que 40% de foyers supplémentaires reçoivent ces services à travers d’opérateurs pirates. La débandade vers la TV payante fut majoritaire.

Je suis tombé moi aussi dans la fausse idée selon laquelle celui qui paye pour ce qu’il voit a le droit á ce que l’on respecte la loi et á ne pas être escroqué. Mais pour les gangsters il n’y a pas d’audience, seulement des victimes, et il n’y a pas de produits mais seulement une massue. Le gérant de médias qui en a fini avec la TV gratuite pointe déjà sa batte vers la TV payante.

Ceci explique, comme le savent tout les vénézuéliens sauf la Conatel, que la TV payante, alors qu’elle est explicitement obligée á respecter la « Ley Resorte », assène chaque minute de diffusion un coup de bâton sur le crane de celui qui paye.

En effet, dans chacune des ses émissions le volume de publicité augmente illégalement. Dans toutes les transmissions de films, la limite légale de 15 minutes de publicité par heure est largement dépassée. Les info-publicités occupent quatre heures de suite, ce qui représente bien plus que les dix pour cent du total de la programmation journalière.

Les infractions contre l’article 8, qui interdit la publicité par insertion, sont encore plus sanguinaires, et elles assassinent l’image avec des superpositions de lettres et d’interfaces étrangères á elle. Sur les chaines Premium, qui offrent des films sans interruption, ils sont tous abimés par des insertions étrangères á l’image originale. Dans les clips vidéo il y a des fois jusqu'à 4 insertions simultanées qui se font concurrence pour le détruire. Dans certains espaces, de stupides logos publicitaires sont insérés durant tout le programme. Des fois la journée entière, seconde après seconde, minute après minute, heure après heure, semaine après semaine.

Ceci n’arrive dans aucune autre région du monde. La faute n’est pas du gangster, mais de la Conatel qui lui donne le gourdin. Le mafieux a-t-il enfin ligoté son audience afin de lui détruire le crane a coups de batte ?

Un rapport de la Kaiser Family Foundation des Etats-Unis du mois de mars 2010 indique où sont en train de fuir les victimes. Entre 2004 et 2009, les jeunes ont diminué leur temps passé devant la télévision de 25 minutes, se déplaçant vers des médias comme le téléchargement Internet, le chat, la téléphonie mobile, les ipods, les jeux vidéos interactifs, les pages de vidéos comme YouTube et les réseaux sociaux.

Le livre “La Televisión en España: Informe 2009, souligne qu’il y a une frange du public, constitué par les jeunes et les personnes avec un haut niveau d’éducation, qui sont en train de délaisser la télévision. La vidéo et la radio á la carte, les systèmes interactifs et mobiles, les combinaisons intelligentes de medias, les discothèques, bibliothèques et journaux digitaux remplacent le coup de bâton sur la tête (Miriam Lagoa: “Imparable fuga de audiencia televisiva a Internet”; EL PAÍS; Madrid, 28-8-2009).

Et la Corporación Estatal Radio Televisión Española est en tête de tout les taux d’audience depuis qu’elle a supprimé la publicité. (Carlos Alberto Sánchez: “Sin publicidad, la audiencia ve más la televisión” 18-1-2010.) Un avertissement pour toutes nos chaines publiques, qui copient tout les défauts des chaines privées, alors qu’elles n’ont pas besoin de nous saturer de publicité puisque nous les payons avec nos impôts.

Le gérant tueur de public, après tout, effraie son audience sous prétexte que la télévision est un business et que l’argent que donne la publicité justifie n’importe quel délit.

Le pire de tous les délits commis par le gérant tueur de publics est que, après avoir anéanti la télévision gratuite et payante, il entre dans la télévision du service public afin d’y imposer la loi de mauvais traitements de l’audience.

Je connais la majorité des dirigeants des médias du service public, et je les considère intelligents, honnêtes et estimables. J’ai de l’admiration et de l’affection pour certains d’entre eux. Comment donc ont-ils laissé entrer dans leurs institutions le gérant tueur de publics, avec sa batte pliée á force de détruire tant de médias et ses dysfonctionnements idéologiques, hormonaux et érectiles qu’il traine depuis la moitié du siècle passé ?

Comment peut-on expliquer que Roman Chalbaud et Rodolfo Santana se soient appliqués á produire « Amores de Barrio Adentro » pour que le gangster á la batte l’anéantisse en changeant systématiquement le calendrier et les horaires et en la retransmettant seulement comme support pour insérer des ceintures de pub annonçant des événements anodins et des consignes superflues ?

Que est l’objectif, á part celui de faire fuir l’audience, de la pratique qui consiste á ce que tout les programmes intéressants de télévision publique soient systématiquement interrompus par des intrusions, qui sont elles mêmes coupées par de nouvelles digressions, qui sont elles aussi interrompues jusqu'à ce que le téléspectateur change de chaine ?

Quel message prêche-t-on lorsque un chef d’œuvre comme « Memorias del Subdesarrollo » de Tomás Gutiérrez, est seulement diffusé pour être assassiné par un tas d’interruptions, de messages publicitaires et d’insertions qui montrent au public que l’art sert seulement á être détruit ?

Au nom de quoi Avila TV, le meilleur exemple de chaine jeune et contestataire, permet que le gangster gâteux et variqueux á la batte cassée interfère dans ses programmes en y superposant des logos, icones, rubans et figurines jusqu'à empêcher que le public comprenne de quoi il s’agit ?

La seule chose plus dangereuse qu’un singe avec un couteau c’est un imbécile avec une machine qui génère des caractères.

A ceux qui ne comprennent pas encore l’effet destructeur des insertions de contenu étranger à un programme, je vous rappelle qu’Hugo Chavez Frias a été renversé par les chaines privées qui ont interféré avec la télévision publique et ont inséré leurs propres images pour empêcher que le Président élu transmette son message.

L’insertion d’une image pour perturber un contexte original distinct n’est pas seulement une violation de la « Ley Resorte » : c’est une leçon de vandalisme, de manque de respect a la création artistique, une confession d’échec du communicateur qui ne sait pas rendre son message attractif et se venge en détruisant ceux des autres. En d’autres mots, c’est la prêche frénétique du capitalisme sauvage, qui parasite et détruit l’effort d’autrui sur l’autel de la ruine collective.

Le message publicitaire est l’idéologie du capitalisme. Mc Luhan disait que le media est le message. On ne peut pas diffuser un message socialiste avec les procédés de l’entrepreneur prédateur. L’image insérée et le programme se détruisent mutuellement.

La télévision publique, communautaire et alternative doit être un exemple de respect de la loi et de la culture, d’amitié envers le public, d’éducation et surtout d’audience majoritaire. Divertir et éduquer avec des programmes au lieu d’ « imbéciliser » avec des messages publicitaires a fait de Corporación Radio Televisión Española le leader en audiences. Ce chemin est ouvert pour tous. Il suffit de jeter á la poubelle une batte abimée ainsi que celui qui la brandit.
Si la révolution perd son audience, elle pourrait perdre ses votants. C’est ce que veulent les tueurs de votes et les tueurs de publics.

Le 14 Juin, alors que j’attendais l’opération d’un ami, j’ai vu dans la clinique le match de l’Italie contre le Paraguay, et il n’y a pas eu une seule interférence. Il ont passé de la publicité á la mi-temps mais ils n’ont pas détruit l’événement qu’ils transmettaient. Ceci explique peut être certains mystères de l’audimat.

Depuis novembre 2009 j’avais arrêté de regarder la télévision. Je l’ai allumé hier pour voir si cela valait la peine de m’y remettre. Sur l’écran un logo superposait le programme. J’ai éteint l’appareil pour regarder le paysage.

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Version original ICI

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