22 août 2010

La Guerre contre l'Amérique Latine




1.

La Colombie en 2007 possède des effectifs de 459 687 personnes destinées a la Défense et Sécurité ; et elle dépense cette même année 6,5% de son PIB, soit 22 milliards de dollars dans sa guerre (Semanario VOZ, edición 2427, cit. por Álvaro Angarita: “Crece el gasto militar. Guerra devora el presupuesto”; 27-2- 2008 www.geocities.com/vozxcol/voz.pdf). Cela crée un important déséquilibre avec le Venezuela, dont l’armée se compose de 82 000 personnes et, selon le World Economic Outlook, consomme 1,47 milliard de dollars, 1,6% de son PIB, duquel 9% est destiné à l’éducation. Cela crée aussi un déséquilibre avec l’Equateur. Qui en 2007 avait 37 448 personnes dans son armée, qui dépensait 1,69 milliard de dollars, 3,41% de son PIB et 10,7% de son budget (A comparative Atlas of Defence in Latin America, 2008).

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Parallèlement, le gouvernement de Colombie accepte l’installation d’au moins sept bases militaires étasuniennes, avec un statut d’immunité et d’impunité devant les lois et tribunaux colombiens, alors que les Etats-Unis maintiennent 2 bases a Aruba et Bonaire ainsi qu’une autre au Honduras et une au Paraguay, en installe 2 nouvelles au Panama, fait débarquer des milliers de marines au Costa Rica, maintient une invasion militaire injustifiée en Haïti et patrouille dans les Caraïbes avec la IVème Flotille ressuscitée. Des sources étasuniennes et colombiennes allèguent que cette militarisation démesurée a pour objectif de se défendre contre quelques dizaines de colombiens exilés au Venezuela. Mais il n’y a rien de plus erroné que d’interpréter la situation comme une simple escarmouche locale. « N'envoie jamais demander pour qui sonne le glas; il sonne pour toi», dit un vers de John Done. Le glas ne sonne pas pour le Venezuela ; il sonne pour l’Amérique Latine.

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Le maintient de la base Etasunienne au Honduras et le coup d’Etat contre le président élu de ce pays, le harcèlement contre le Nicaragua, l’ouverture de deux nouvelles bases au Panama et l’occupation militaire du Costa Rica ne sont que des échelons du vieux plan Puebla-Panama, qui tente d’ouvrir un couloir stratégique pour l’Amérique Centrale, depuis le Mexique jusqu'à la Colombe. Cette opération réunit dans des quantités croissantes fonds, effectifs, armements et bases étasuniennes, a travers les plans Colombia, Patriota et Victoria, soi-disant destinés à contrôler les insurgés et la drogue. Son échec a été total. La Colombie en 2005 totalisait 650 tonnes-cubes de cocaïne sur les 910 produite dans le monde, avec 180 en provenance du Pérou et 90 de Bolivie. (United Nations Office on Drugs and Crime, "World Drug Report 2006, Volume 1:Analysis" ; United Nations: Viena, Austria, 2006, p. 82). En réalité les Etats-Unis, qui désormais combat ses guerres avec des mercenaires, veut sacrifier les forces armées de Colombie qui n’ont pas pu dominer les insurgés locaux, pour restaurer son hégémonie continentale. La situation n’est pas nouvelle. A la moitié du siècle passé, des effectifs colombiens furent envoyés pour se battre dans la très lointaine guerre de Corée ; et au début de ce siècle, des soldats colombiens ont été envoyés en Afghanistan.
Leur prochaine mission sera de s’immoler pour les intérêts de la même puissance qui lui a enlevé le Panama.

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Regardons un peu la carte. A proximité de la frontière Est de la Colombie, où sont érigées la majorité des bases militaires étasuniennes, se trouvent les riches gisements d’hydrocarbures du Venezuela. Plus au Sud se trouvent le fleuve Orinoque et l’Amazonie venezuelienne, avec ses débits d’énergie hydroélectrique, de fer, d’aluminium, d’or, de diamants et de biodiversité. Mais le Venezuela n’est pas le seul objectif de cette guerre longuement annoncée. Le feu est ouvert contre le petit Equateur, avec une attaque d’essai, qui a été confessée, et soutenue et dirigée par la base étasunienne de Manta, aujourd’hui heureusement démantelée. L’objectif était de démontrer qu’il était possible d’agresser la souveraineté d’un pays de la région avec une attaque militaire sans autre conséquence que quelques mots durs de l’UNASUR.

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Regardons la carte de plus près : la frontière du Brésil, pays qui de par sa superficie de 8 547 404 km2 et sa population de 170 millions d’habitants, constitue quasiment la moitié de l’Amérique du Sud. En tant que propriétaire de la majeure partie de l’Amazonie et des récents gisements d’hydrocarbures découverts, la sixième ou septième économie mondiale et la huitième industrie mondiale d’armements, noyau du Mercosur et acteur politique international indépendant, est un véritable adversaire pour les Etats-Unis dans la conquête de l’hégémonie continentale. Le Brésil l’a parfaitement compris et inclus dans sa Stratégie Nationale de Défense approuvée par Lula Da Silva en 2008. Son armée de 210 000 hommes sera augmentée avec 59 000 nouveaux effectifs ; 28 nouveaux postes frontières ont été ajoutés aux 21 existants, localisés essentiellement en Amazonie où 40% des nouvelles recrues sont envoyées. (Zibechi, Raúl: “Brasil desafía el Plan Colombia”, ALAI AMLATINA, 30-04-2010).

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Ainsi, n’importe quelle agression contre l’Equateur ou le Venezuela ouvre les hostilités contre le gigantesque Brésil et la Bolivie et le Nicaragua et l’inexpugnable Cuba et le Mercosur. Le conflit supposé local se transforme ainsi en continental. Cela représenterait, ni plus ni moins, une guerre contre l’Amérique Latine. Et si l’on prend en compte que la survie de l’Europe et de l’Asie dépend en grande partie des ressources et des marchés de l’Amérique Latine, l’affrontement pourrait devenir mondial.

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Sur le versant Pacifique, les Etats-Unis mettrait la pression sur les gouvernements du Pérou et du Chili pour qu’ils se battent pour ses intérêts. Le Chili possède l’armée avec la plus importante dépense et le plus grand nombre d’effectifs par habitant en Amérique Latine. L’empire exigerait l’utilisation de ces milices pour cerner le colossal Brésil et les gouvernements progressistes d’Equateur, Bolivie et peut-être même du Paraguay et de l’Uruguay. Avec l’espoir d’obtenir des revendications territoriales, les faucons entreraient dans le conflit, qui ne serait pas seulement une confrontation militaire, mais une véritable guerre sociale acharnée d’insurgés, de laquelle tout le monde sortirait fortement touché. En premier lieu la puissance nord-américaine qui a perdu l’hégémonie économique, diplomatique et culturelle et qui, depuis quasiment une décennie, n’a pas pu vaincre de désastreuses guerres contre des pays asiatiques retardés. Ensuite, ses alliés, qui sont historiquement utilisés, rejetés et détruits. Le premier coup de cloche a sonné. Stoppons-la avant qu’elle sonne pour tout le monde.


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Traduit avec l'aimable autorisation de l'auteur Luis Britto Garcia.
Article original disponible ici

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8 août 2010

La Colombie envahit le Venezuela




1.

Le réactionnaire président de la Colombie ne peut contenir sa rage. Sa politique répressive ne fait qu’entretenir la guerre civile. L’un de ses opposants, le Docteur Uribe Uribe, qui se trouve en asile au Venezuela, écrit : « notre drapeau a grandi a travers les échauffourées. Au début il n’était que la revendication d’un parti dans les querelles internes de notre pays ; aujourd’hui c’est le drapeau de la Grande-Colombie ». Le président Vénézuélien entretient d’insupportables liens d’amitié avec ses collègues d’Equateur et du Nicaragua. En Equateur est aux commandes un robuste conducteur de peuples, qui mobilise des masses de mulâtres et d’indigènes. Au Nicaragua le soulèvement populaire porte à son sommet un dirigeant qui s’abat sur les oligarchies qui possèdent les terres. Face à ces leaders de masse, le président de la Colombie compte sur le soutien des Etats-Unis. Il faut leur donner une leçon ! Trente neuf bataillons colombiens déguisés en vénézuéliens suffiront à les réduire en miettes.

2.

Les opposants venezueliens, disposés à envahir leur propre pays avec des étrangers pour une miette de pouvoir, ne manquent pas non plus en Colombie. Le président Colombien fait appel au général vénézuélien en exil Rangel Garbiras, acclamé dans les hautes sphères pour être un agile danseur de valse et un frénétique ennemi de l’idée d’unifier la Grande-Colombie, et lui confie le contrôle d’une force de cinq mille soldats colombiens pour qu’il envahisse le Venezuela, avec un drapeau vénézuélien. Opportuniste, l’évêque de Merida monseigneur Silva lance une pastorale où il fulmine envers les partisans du gouvernement venezuelien pour leur dévotion à la « Mano Poderosa ». Le journal de Caracas El Tiempo, de la famille Pumar, se joint aux critiques destructrices. Le 26 Juillet 1901, les envahisseurs violent la frontière avec le Táchira par le chemin de Cúcuta , et acclament le président Colombien José Manuel Mallorquín.

3.

Féroces lorsqu’il s’agit de réprimer leurs compatriotes désarmés, les militaires ou paramilitaires colombiens ne sont pas un modèle de discipline. Comme le conte Nemecio Parada dans ses mémoires : « Les troupes de ligne que j’ai vu n’avaient de ligne que le nom. Tous, des chefs jusqu’aux soldats, avaient une tenue déplorable. (Les généraux colombiens) Cote et Conde en premier lieu, bien que sur de belles montures, ils discréditaient leur prestance guerrière, portant une couverture, une calotte avec un large insigne bleu, de bruyants éperons et d’énormes coiffes de traves. On reconnaissait le soldat parce qu’il portait le fusil ainsi que le rosaire, les scapulaires et autres reliques qui pendaient a son cou. C’étaient les choses de l’époque et du moment où ils vivaient (Ramón J.Velásquez: La caída del Liberalismo Amarillo, Contraloría General de la República, Caracas, 1972, 275). « A peine traversent-ils la frontière, au cri de « A bas les rouges ! », qu’ils perdent leur temps dans d’indisciplinés saccages de fermes et de hameaux qui les firent perdre du temps à atteindre leur objectif : le parc de San Cristobal.

4.

Le retard du aux pillages donne le temps a Celestino, frère du président Cipriano Castro, d’organiser la défense de la place. Le 28 juillet dans l’après-midi éclate la Bataille de San Cristobal. Les vénézuéliens combattent furieusement et perdent 300 hommes. Au coucher de soleil le jour suivant les colombiens fuient, en laissant sur le champ de bataille 800 morts et des milliers de fusils. Rangel Garbiras souffre une autre déroute encore pire lorsqu’il tente d’envahir San Faustino.

5.

Alors que l’invasion échoue a Tachira, Don Cipriano concentre des forces de réserve pour la défense de Maracaibo et Zulia, et ordonne par la suite au général Jose Antonio Davila de pénétrer avec elles dans la République Sœur en soutien aux libéraux rebelles de San Marta et Riohacha. L’incursion est repoussée à Carazua par l’armée Colombienne soutenue par les indigènes de la Guajira et par des venezueliens opposants de Castro, qui n’hésitent pas à prendre parti pour la Colombie. L’armée colombienne réunit 15 000 soldats dans la région de Santander et en cantonne 10 000 supplémentaires a Santa Marta, ce qui crée un déséquilibre stratégique avec le Venezuela, qui ne possède pas plus de 7 000 hommes armés (Eleazar López Contreras: El presidente Cipriano Castro: Imprenta Nacional, Caracas1986, 184).

6.

Ces faits devraient avoir servi de leçon pour tout le monde. Les tentatives d’envahir le Venezuela en faisant confiance a des paramilitaires, ou plutôt des pillards, est le pire fiasco militaire de l’histoire de la Colombie. Le Venezuela confirme qu’il n’a rien à gagner dans un conflit avec sa République Sœur, et depuis règle ses différents avec des Traites pacifiques et généreux. Occupée à essayer de contrôler au Venezuela les dissidents qu’elle ne peut contrôler dans son propre pays, l’Oligarchie Colombienne écrase son propre peuple avec de lourdes dépenses militaires qui provoquent mille rebellions, mais ne prête pas attention a son véritable adversaire, les Etats-Unis, qui lui vole le Panama. Je ne me fatigue pas de citer la phrase de Jeronimo Perez Rescaniere, qui dit que la Colombie était le pays le plus riche d’Amérique Latine parce qu’elle avait le Panama, et depuis qu’ils se séparèrent, ni le Panama ni la Colombie ne sont riches. La stupide obsession de l’oligarchie colombienne contre le Venezuela lui a couté tout d’abord le contrôle de la voie stratégique la plus importante et la plus productive de la planète, et ensuite la perte de sa propre souveraineté due aux insolents envahisseurs étasuniens immunises et impunis devant les lois. C’est ainsi qu’ils ont perdu le Panama puis toute la Colombie sans rien pouvoir faire contre le Venezuela.

7.

Pendant ce temps Cipriano Castro continue dans sa tentative de rétablir la Grande-Colombie, et pour cela il signe un traité avec le président du Nicaragua Jose Santos Zelaya et avec celui de l’Equateur, Eloy Alfaro. L’oligarchie en possession des terres va comploter avec les créanciers de la Dette Extérieure et avec 6 puissances impérialistes afin de l’empêcher d’arriver à son but, en utilisant pour cela soulèvements, blocus et bombardements avec des cuirassés étrangers. Mais seule la trahison interne d’un coup d’Etat mettra de nouveau le Venezuela sous le joug de l’Empire. Ce sont de passionnants événements qui datent d’il y a plus d’un siècle, mais qui sont toujours d’actualité. Nous verrons tout cela dans un film sur Cipriano Castro dirige par le maestro Roman Chalbaud, si Dieu le veut et si les moyens offerts se matérialisent avant que nous soyons de nouveau envahis.


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