23 avr. 2009

Art et Révolution

"La beauté est vérité, la vérité beauté. C'est tout ce que vous savez sur terre. Et c'est tout ce qu'il faut savoir!", affirme Keats. Quand l'art exprime et anticipe une société nouvelle en voie d'affirmation, c'est vrai, beau, et donc révolutionnaire.
Transformation radicale

La révolution est une transformation radicale des moyens de production, de leur propriété et des relations sociales qui se créent pour assurer les processus productifs. Chaque transformation dans l'infrastructure économique tend à modifier la superstructure idéologique qui la consolide et l'exprime.

Expression sensorielle de l'infrastructure

Les composantes de la superstructure, religion, philosophie, sciences, technique, droit, esthétique, sont tous liés et ils transmettent une conception du monde. Est révolutionnaire l'art qui exprime une nouvelle société qui surgit de l'annihilation d'une autre société dépassée.

Art des révolutions bourgeoises

L'art des révolutions bourgeoises, d'Angleterre, de France, des Etats-Unis, fut révolutionnaire pour son époque : dans le fond il exalta la réussite individuelle face aux privilèges héréditaires ; dans la forme il utilisa le réalisme au lieu de l'idéalisation; dans ses moyens il incorpora l'imprimerie comme véhicule de nouvelles, et aussi la photographie, le phonographe, la radio, la cinématographie, la télévision et la bande dessinée comme nouvelles formes d'intégration des arts pour la consommation massive.

Art des révolutions sociales

Les révolutions socialistes ont crée un nouvel art révolutionnaire. La révolution Mexicaine appliqua le muralisme, la nouvelle et le ciné comme véhicules d'une prêche nationaliste et égalisatrice. La révolution soviétique formula le langage du ciné comme forme artistique; à travers du constructivisme elle inventa l'art abstrait et l'architecture moderne, et elle modifia le langage de la musique, pour ensuite revenir, avec le réalisme socialiste, vers une technique déjà développée par la bourgeoisie. Les dadaïstes et les surréalistes, mouvements esthétiques d'inspiration radicales, proposèrent des effets dérivés de la rupture avec la rationalité dominante.

Art, relativisme et indétermination

Depuis la fin du 19ème siècle, une nouvelle conception du monde basée sur la subjectivité, la relativité et le principe d'indétermination imprégnait les sciences et servait aux académies bourgeoises pour nier le fait que les sociétés devraient s'orienter vers le socialisme et le communisme. Ainsi, l'art de la fin du 19ème siècle exprime la conception du monde dominant : que l'univers est un ensemble de particules dont les mouvements au niveau subatomique dépendent du hasard. La conséquence philosophique de cette conception serait qu'il n'y a pas d’objectif pour cet univers, et sa distorsion idéologique consiste en l'affirmation que la société et ses intégrants n'en n'ont pas non plus. Pour la postmodernité académique, la société est un ensemble d'atomes compétitifs régulés par l'offre et la demande. Suprême recteur qui provoque le décès de l'Histoire, de la Philosophie, de l'Étique et de la Politique, le marché finit par faire office de paradigme de l'esthétique. Les industries culturelles appliquent à leurs produits toutes les techniques de financement, production, promotion et distribution de marchandises et produisent un art pour les masses qui adopte les formes de la publicité, avec son exaltation quasi religieuse de la consommation. Par conséquent, l'art récupère les signes et les thèmes des époques passées reconnaissables et acceptables pour le consommateur, les intégrant dans le Pop, le "Retro" ou le pastiche de la « Transvanguardia ». Avec le culte du "Light" et l'esthétique de la banalisation il prétend ne pas avoir d'idéologie, alors qu'il implante l'idolâtrie de la consommation comme objectif ultime de l'existence pour renforcer la stratification sociale.

Crise du capitalisme et de son idéologie

La crise du capitalisme est la crise de son idéologie. Elle coïncide avec une révolution dans les moyens de production : depuis la moitié du siècle passé la machine intelligente s'impose dans tout les processus économiques. Grâce à cela, dans les relations de production, le travailleur redevient propriétaire de ses outils et peut se libérer du travail répétitif et mécanique : on peut prévoir l'automatisation de toutes les taches qui ne sont pas créatives. Cela a comme conséquence que la concentration physique des opérateurs dans les usines et les villes n'est plus nécessaire. L'immense majorité des tâches du secteur service, le déterminant commun des économies développées, peut être effectuée par des opérateurs physiquement isolés face à leurs ordinateurs. En ce qui concerne les marchandises, il est possible de dupliquer sans limites le produit, à travers de la reproduction digitale. En ce qui concerne la distribution, il est possible de transmettre le produit informatique de manière instantanée et gratuite à tous les consommateurs potentiels, sans autres limite que leurs besoins. Dans un futur proche il sera quasiment impossible d'éviter que tout le monde participe de manière libre à la création, distribution et la consommation illimitée et gratuite de la principale richesse contemporaine qu'est l'information.

Economie et esthétique informatisée

Les résultats potentiels, culturels et esthétiques, de cette révolution commencent à se noter légèrement depuis quelques décennies. D'une part, par la décadence des moyens imprimés comme le livre, les revues et les journaux face aux moyens audiovisuels comme le ciné et la télévision. D'autre part, par l’éruption, impossible de stopper, de matériaux créés digitalement : effets spéciaux, animations par ordinateur, mondes virtuels, évènements qui se déroulent au delà du niveau d'appropriation de la conscience. Cela impose la répétitive thématique des mondes illusoires créés par des systèmes d'information non distinguables de la réalité.
La vitesse quasi-instantanée du traitement de l'information, la possibilité de manipuler infiniment les matériaux, la malléabilité du réel, la simultanéité de plans et de flux d'informations sont autant d'autres potentialités pour le commencement d'une nouvelle esthétique et une nouvelle Révolution.

Texte de Luis Britto Garcia
Traduction par R. V. (me contacter pour éventuelles améliorations)
Pour voir la version originale cliquez ici


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