11 mai 2009

Les lois et les juges étrangers condamneront-ils le Venezuela?


1.

La question antérieure pourrait être reformulée ainsi :"le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Judiciaire vénézuélien seront-ils éliminés?". Cette question a aussi une réponse : l'an dernier, Exxon Mobil, entreprise qui a son siège au Venezuela et qui possède des contrats d'intérêt national avec l'Etat vénézuélien, a décidé que les lois vénézuéliennes n'existent pas parce que elle n'avait pas envie de s'y soumettre, et que, de la même manière, les sentences des tribunaux vénézuéliens ne la concernent pas. Ce qui est ahurissant ce n'est pas qu'une transnationale démontre une telle prépotence. Ce qui est ahurissant c'est qu'un juge vénézuélien soit d'accord avec cela. Continuez à lire.

2.

Oui, en janvier 2008 la transnationale Exxon Mobil a décidé que ni les lois ni les tribunaux vénézuéliens n'ont le pouvoir de régulation ou de décision sur les contrats célébrés avec la République Vénézuélienne, exécutés au Venezuela et qui concernent l'intérêt national de tout et chacun des vénézuéliens. Pour imposer sa décision, Exxon Mobil a introduit une pétition d'arbitrage devant le Centre International pour le règlement des disputes sur les investissements (sigles CIADI en espagnol) et à obtenu qu'une court étrangère ordonne un embargo contre les biens de l'entreprise pétrolière vénézuélienne "Petróleos de Venezuela Sociedad Anónima (PDVSA)". On peut désormais le révéler : l'innocente réduction au néant des pouvoirs Législatif et Judiciaire vénézuélien avait pour objectif d'anéantir le cœur économique du Venezuela avec une tentative d'embargo sur les réserves internationales, espèce de 11 avril financier qui aurait rendu le pays inapte à mobiliser ses ressources et à tenir ses engagements. Et un juge vénézuélien est d'accord avec cela. Continuez à lire.

3.

La tentative d'assassinat financier du Venezuela fut évitée par miracle. Nous avons fait appel, devant les autorités compétentes, aux normes internationales qui empêchent l'embargo d'actifs publiques des Etats à l'extérieur, et nos réserves sont restées indemnes. Nous signalons que depuis un siècle et demi, en accord avec les doctrines Calvo et Drago, présentes constamment dans notre constitution et dans les constitutions latino-américaines, nous, Etats Latino-Américains, devons résoudre les controverses avec des étrangers dans nos tribunaux et selon nos lois. Nous alléguons de même que, en accord avec la Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU le 12 décembre 1974 "Tout Etat a le droit de

a) de réglementer les investissements étrangers dans les limites de sa juridiction nationale et d'exercer sur eux son autorité en conformité avec ses lois et règlements et conformément à ses priorités et objectifs nationaux. Aucun Etat ne sera contraint d'accorder un traitement privilégié à des investissements étrangers;
b) De réglementer et de surveiller les activités des sociétés transnationales dans les limites de sa juridiction nationale et de prendre des mesures pour veiller à ce que ces activités se conforment à ses lois, règles et règlements et soient conformes à ses politiques économiques et sociales." (Lire la Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats ici).

Nous avançons aussi que, selon l'article 35 du "Protocole de Cartagena de Indias" qui réforme la Charte de la OEA (Organisation des Etats Américains) "Les entreprises transnationales et les investisseurs privés étrangers sont soumis à la législation et à la juridiction des tribunaux nationaux compétents des pays d'accueil, aux traités et accords internationaux auxquels ces pays sont parties; ils doivent en outre s'adapter à la politique de développement de ces pays."(Lire la Charte de la OEA ici ).

Mais la transnationale Exxon se considère au dessus des constitutions Latino Américaines ainsi que de l’OEA et l’ONU. Et un juge vénézuélien est d'accord avec cela. Continuez à lire.

4

Fermín Toro Jiménez et moi avons demandé, en mars 2009, devant le Tribunal Suprême de Justice que soit reconnu l'article 1 de la Constitution selon lequel "l'indépendance, la liberté, la souveraineté, l'immunité, l'intégrité territoriale et l'autodétermination sont des droits inaliénables", où il faut comprendre par immunité la non soumission aux lois et tribunaux étrangers. La Cour Constitutionnelle estima que "l'intérêt de la procédure des demandants et de leur recours en justice résulte non-admissible du fait que les demandants ne possèdent pas la légitimité requise pour un tel recours". Un Fermín Toro Jiméneza transnational peut anéantir la souveraineté législative et juridictionnelle du Venezuela, mais les vénézuéliens n'avons pas ni les intérêts ni la légitimité pour demander que cette souveraineté soit rétablie. Et un juge vénézuélien est d'accord avec cela. Continuez à lire.

5.

La décision salomonienne prétend, de plus, qu'il suffit du consentement d'un bureaucrate pour que le Venezuela soit jugé et condamné par des arbitres et tribunaux étrangers selon les lois étrangères. Une telle faille n'a aucune valeur. Si cette sentence avait une quelconque valeur, son premier effet devrait être la démission de ce juge, la renonciation au juteux bons qu'il s'est auto-adjugé à l'encontre du mandat présidentiel de réduction des salaires, et son départ pour chercher du travail comme arbitre à l'étranger. Si nous acceptons qu'un juge vénézuélien estime qu'il n'a pas l'autorité souveraine pour décider des controverses concernant des contrats d'intérêt publique souscrits par la République, alors le pouvoir Judiciaire n'existe plus. Si nous acceptons que les lois vénézuéliennes d'ordre publique ne sont pas applicables au Venezuela, le moment est arrivé de fermer aussi l'Assemblée Nationale. Si nous tolérons qu'un bureaucrate annule par contrat la souveraineté du Venezuela, c'est que, ou l'Administration ou la souveraineté ont rendu l'âme. Et un juge vénézuélien est d'accord avec cela. Continuez à lire.

6.
Pilate s'est lavé les mains. Un océan ne suffirait pas pour laver certaines saloperies. Cipriano Castro fut bloqué par les cuirassés : encore plus mortelles sont les poursuites en justice et les juges indignes. Cipriano Castro a su résister et nous sommes toujours libres et indépendants. Est-ce qu'un juge peut condamner le Venezuela à ne pas être souverain? Depuis le 19 avril 1810, nous, les vénézueliens pensons différemment. Les juges passent, le Venezuela reste en place. Aujourd'hui, comme il y a un an, derrière la tentative de condamner et imposer un embargo au Venezuela à travers des lois et des juges étrangers, se cache l'éternel plan de Coup Judiciaire. Le CIADI ne s'est pratiquement jamais prononcé en faveur de notre pays. Un déluge de poursuites judiciaires venant de transnationales, et parsemé entre une infinité de tribunaux et arbitres étrangers, devant lesquels nous ne pourrons pas exercer notre défense, sera l'instrument pour dépecer économiquement le Venezuela et transférer ses biens à des puissances avides d'hydrocarbures et de ressources naturelles dans un monde marqué par le désespoir de la crise. Ainsi, de la même manière qu'ils condamneront le Venezuela, ils condamneront son Président, au nom d'une doctrine qui attribue aux traités sur les Droits de l'Homme un caractère supra-constitutionnel. Nous sommes prévenus. Citoyen Président : ceci est le premier coup de heurtoir.


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Texte de Luis Britto Garcia
Traduction par R. V. (me contacter pour éventuelles améliorations)
Pour voir la version originale cliquez ici

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