17 juil. 2009

Tegucigolpes


Tout coup d'Etat résulte d'une accumulation d'impacts qui n'ont pas été conjurés à temps:

Coup d'Etat économique

Le Honduras exporte chaque année des biens pour une valeur de 6 236 millions de dollars; 67,2% vers les Etats-Unis; 4,9% vers le Salvador, 3,9% vers le Guatemala. Le Honduras importe des biens pour 10 200 millions de dollars, 52,4% provenant des Etats-Unis, 7,1% du Guatemala, 5,2% du Salvador. Les remesas (argent envoyé par les émigrés honduriens vivant dans d'autres pays) des émigrés rapportent quasiment 30% des revenus en devises; le taux de chômage est de 27%. La majorité des terres et des industries et fabriques appartiennent à un petit nombre de familles et de transnationales. Cette économie a une balance commerciale négative pour quasiment 4 milliards de dollars chaque année et une dette publique représentant 21% de son Produit Intérieur Brut. Les bénéficiaires de cette structure s'opposent à tout changement à travers la force et la tromperie. La dépendance économique entraine la dépendance politique.

Coup d'Etat médiatique

Au Honduras la quasi-totalité des medias est privatisée; la majorité soutient le coup d'Etat, occulte ce qui se passe, cache les gigantesques mobilisations populaires en faveur de Zelaya, magnifie l'infime appui aux usurpateurs, appelle à la reconnaissance et à l'obéissance envers les putschistes, divulgue des mensonges et cache des vérités en accord avec les transnationales de l'information. La dictature médiatique conduit la politique.

Coup d'Etat Stratégique

Le plan Puebla-Panama projette de convertir l'Amérique Centrale en un couloir stratégique entre les Etats-Unis, son allié commercial le Mexique et la Colombie, tête de pont de l'intervention étasunienne en Amérique du Sud. Ses proies sont les réserves d'hydrocarbures vénézuéliennes et les eaux et la biodiversité de l'Amazonie. Les victoires électorales progressistes au Nicaragua, Salvador et Honduras ont coupé cette autoroute de l'interventionnisme. L'hégémonie des Etats-Unis en Amérique dépend de la subjugation de l'Amérique Centrale; notre survie de son indépendance. La géopolitique détermine la politique.

Coup d'Etat de bases

A 97km de Tegucigalpa opère la base militaire étasunienne de Soto Cano ou Palmarola, avec un millier d'effectif et les équipements d'espionnage et d'intervention les plus avancés. Son commandant, le colonel Richard A. Juergen, exerça en tant que Directeur des Opérations Spéciales pendant l’enlèvement de Jean Bertrand Aristide à Haïti, antécédent évident du rapt de Zelata, qui s'apprêtait à exiger le retrait des étasuniens de Soto Cano afin de la convertir en aéroport international. Tolérer l'occupation par des enclaves militaires ou paramilitaires c'est tolérer un coup d'Etat en attente qui se matérialise à la moindre désobéissance. Accepter l'occupation militaire c'est permettre la dictature militaire.

Coup d'Etat interventionniste

Alors qu'il était l'ambassadeur des Etats-Unis au Honduras, John Negroponte coordinat avec les fonds du narcotrafic de l' « IRANGATE », l'agression paramilitaire depuis le Costa Rica et le Salvador vers le Nicaragua. Il installa aussi des agences étasuniennes comme la NED, la USAID y el Instituto Republicano Internacional (IRI), organe interventionniste du Parti Républicain qui a préparé le Coup d'Etat d'Avril 2002 au Venezuela et la déposition de Jean Bertrand Aristide à Haïti. Ces agences opèrent librement, et ont intensifié le financement et l'organisation des opposants pendants les mois précédents l’enlèvement de Zelaya. Ainsi, Negroponte consolida les liens entre l'armée du Honduras et l'Académie de répression subversive connue sous le nom d'École des Amériques. Cette de cette école que sortent le Commandant des forces armées, le général Romeo Vásques, et le commandant de l'aviation, le Général Luis Javier Prince Suazo. L'actuel ambassadeur des Etats-Unis, Hugo Llorens, a publié le 4 Juin dans le journal de droite "La prensa" un article qui appelait à s'opposer à toute réforme constitutionnelle, affirmant que :"On ne peut pas violer la Constitution pour créer une nouvelle Constitution, car si il n'y a pas de Constitution c'est la loi de la jungle". Après avoir donné ces instructions, il se réunit au moins 3 fois avec les secteurs civils et militaires qui préparaient l'usurpation. Selon José Vicente Rangel, tôt le matin du dimanche 28 juin les fonctionnaires du Département d'Etat James Steimberg et Tom Shannon ont contacté la base militaire de Palmarola et l'ambassadeur Llorens pour les avertir du Coup d'Etat, et ceux ci n'ont pas averti Zelaya et sont toujours au Honduras, preuve que les Etats-Unis maintiennent une aide économique et militaire aux putchistes. Tolérer l'ingérence d'étrangers c'est accepter un Coup d'Etat militaire.

Coup d'Etat contre l'OEA (Organisation des Etats Américains)

Revitalisée par la levée des sanctions contre Cuba, l'OEA fait face, avec le putsch du Honduras, à une opportunité et un défi. La rapide réunion de l'Assemblée Générale, la condamnation unanime du Coup d'Etat donnent un second souffle à l'organisation épuisée. Cependant, on peut avoir des doutes quand à l'efficacité des moyens mis en place pour rétablir la démocratie. Si le Coup d’Etat se consolide, l'OEA ajoutera à ses multiples défauts l'évidence de son inutilité. Qu'une insignifiante bande de crapules se retire de l'OEA, manque de respect au Président de son Assemblé Générale, ferme l'aéroport aux Chefs d’Etats latino-américains élus et dresse un mandat d'arrêt contre le président légitime Zelaya est un coup mortel contre une organisation bonne à avaliser des infamies dans le passé et incapable de les restituer dans le présent. Son inefficacité légitimisme la création d'un organisme latino-américain et caribéen sans la présence des Etats-Unis et le renforcement du Conseil de Défense de l'UNASUR.

Coup d'Etat contre l'ALBA (Alternative Bolivarienne Pour les Amériques)

Le coup d'Etat contre le Honduras est un coup d'Etat contre l'ALBA. Les putschistes et leurs alliés veulent montrer aux pays de l'Alliance Bolivarienne qu'ils sont vulnérables, qu’appartenir à cette organisation ne les met pas à l'abri contre les interventions et, au contraire, les met dans une situation de cibles privilégiées. Les putschistes et leurs médias font plus de déclarations contre Chavez que contre Zelaya. Quand le Honduras brule, défend ton pays.

Coup d'Etat contre la voie pacifique

Le Coup d'Etat confirme la validité d'une règle invariable : la minorité privilégiée accepte la majorité démocratique seulement quand cela la favorise ou lui facilite les choses. Au fond, son seul argument est la force brute. Face à cela se pose la question de la réévaluation de la voie pacifique du socialisme. Le mouvement populaire peut-il continuer à employer des moyens pacifiques quand la réponse est la force brute? Les mouvements populaires doivent-ils déposer les armes pendant que leurs ennemis les brandissent? Ceux qui ne résistent pas à la violence illégitime la renforcent.
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Texte de Luis Britto Garcia
version en espagnol ici
Traduction par R.V.

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