30 déc. 2009

Émigrant Américain




. Il y a 500 ans les européens émigrèrent, fuyant leurs famines et leurs guerres internes, ils mirent le monde à feu et à sang, emportèrent le butin en Europe et, aujourd'hui, ils ne veulent pas que l'on émigre la bas pour le partager.

. Au début du Troisième Millénaire, 54 millions de personnes migrent d'un pays vers un autre en Asie; 31,5 millions vont en Europe, 30 millions vers les Etats-Unis, 19 millions vers l'Afrique, 9 millions en Océanie et 9 millions en Amérique Latine et aux Caraïbes (Salker 2000).

. Aux Etats-Unis la statue de la liberté invite les sans-terre à entrer; à la frontière avec le Mexique le Mur de la Honte ferme le passage aux "Hispanos" dont les 40 millions d'émigrés constituent la minorité démographiquement la plus importante, punis par des cotisations, des exclusions et des discriminations qui rendent sa main d'œuvre bon marché

. Les Etats-Unis eux mêmes sont la cause de cet exode. Le comité de Santa Fe confesse que: "Le Traité de Libre Commerce a arraché les paysans et les indigènes de leurs parcelles et de leurs terres communales, en raison de la baisse des impôts sur l'importation de produits alimentaires provenant de l'industrie agricole nord-américaine et canadienne. Pour s'éloigner de leurs possessions ancestrales, ces gens prennent la direction du nord. Mais les industries frontalières - maquiladoras - ont un surplus de personnel et préfèrent employer des femmes, de sorte que les refugiés économiques continuent d'avancer vers les états frontaliers de Californie (37% de latinos), Arizona (22% en 1999, majorité en 2006), Texas (30%) et encore plus au Nord, dans le Middle-west, spécialement en Iowa et Minnesota (Santa Fe IV 2000).

. Les mexicains traversent la frontière avec les Etats-Unis pour trouver du travail dans le secteur agricole et manufacturier. Depuis les années 80 du siècle passé déjà, dans le document Santa Fe I, les assesseurs de la politique extérieure étasunienne montrait leur préoccupation d'un tel flux migratoire et affirmait que "les Etats-Unis et le Mexique doivent chercher une solution au flux de travailleurs sans papiers vers les Etats-Unis. L'objectif est d'offrir un emploi temporel pour un certain nombre de citoyens mexicains. La stricte application des quotas sera la responsabilité aussi bien des autorités mexicaines que nord-américaines." (Santa Fe I, 1980)

. Peu après, le comité Santa Fe insistait sur le fait que: "Les maquiladoras tout au long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique ont donné du travail à des centaines de milliers de mexicains. Cependant, il n'est pas sur qu'un tel bénéfice existe pour les travailleurs nord-américains. De plus, les millions de mexicains qui sont attirés vers le Nord, et dont les aspirations ne sont pas satisfaites, ont tendance à traverser la frontière vers les Etats-Unis; ce qui accélère encore l'immigration illégale." C'est pourquoi le Comité Sante Fe demanda une solution inhumainement exemplaire: "Les industries nord-américaines devraient considérer la possibilité de transférer ses maquiladoras beaucoup plus à l'intérieur du Mexique" (Santa Fe II 1988). Les Etats-Unis s'attribuèrent les compétences pour choisir la localisation des industries au Mexique, exactement en fonction de leurs propres problèmes migratoires.

. A la suite du Traité de Libre Commerce, près d'un million de travailleurs agricoles mexicains ont abandonné chaque année leur campagne, pour migrer vers les usines des villes frontalières ou aux Etats-Unis (Martínez Enríquez: “La globalización neoliberal y la libertad de movimiento” 2006, 143).

. Pour les récompenser d'avoir maintenu à flot l'économie étasunienne avec leurs salaires extrêmement bas, le projet de Loi sur l'Immigration de mars 2006 prévoit la déportation de millions d'immigrés, le refus de la nationalité étasunienne pour leurs enfants nés aux Etats-Unis, le doublement des effectifs des patrouilles à la frontière, la création d'un "mur virtuel" avec des caméras et ses senseurs ajoutés au "Mur de la Honte". Des mobilisations de millions de personnes ont obligé le Comité Judiciaire à approuver une modification qui permettra aux immigrants illégaux qui sont arrivés avant 2004 de continuer à travailler aux Etats-Unis (EFE: Últimas Noticias 29-3-2006, 63).

. Parallèlement à cela en Europe, dont les flux migratoires furent toujours généreusement accueillis en Amérique, on approuve une Loi du Retour pour l'expulsion compulsive des immigrés.

. Après les interventions des Etats-Unis à Puerto Rico et u Panama et à Haïti et en République Dominicaine et à Cuba et au Guatemala et au Nicaragua, des marées de citoyens de ces pays migrent vers l'agresseur. Les Etats-Unis soutiennent les dictatures d'Amérique du Sud, ce qui provoque la fugue d'un million et demi de personnes.

. Ces dernières années, près de 18 millions de personnes ont émigré du Mexique; 3 millions du Pérou, 1 million et demi du Salvador, un million du Nicaragua, 800 000 d'Equateur (Escudier, Juan: “¡Que se vayan todos!”, Question, julio 2005,14). Quelques 5 millions ont émigré de Bolivie et 4 millions de Colombie. Chaque fois que les Etats-Unis déstabilisent économiquement ou politiquement un pays ou une région, il doit faire face à une avalanche de réfugiés qui fuient le désastre.

. Pendant les 5 premières années du 21ème siècle, quelques 25 millions de personnes ont abandonné leur pays en Amérique Latine et aux Caraïbes, beaucoup de manière illégale. L'Argentine, le Brésil, Le Costa Rica et le Venezuela sont les pôles d'attraction pour l'immigration intra-régionale; le Mexique, la Colombie, l'Equateur et les pays des caraïbes sont ceux qui envoient le plus d'émigrés vers les Etats-Unis et l'Europe, surtout en Espagne. La 2ème source de revenu extérieur de l'Equateur provient de l'argent que ses émigrés envoient à leurs familles, et cela alors qu'il s'agit d'un pays exportateur de pétrole.

. En 1996, le Mexique est à la deuxième place parmi les 20 principaux pays en développement et en transition en ce qui concerne l'argent reçu par les émigrés, avec 4,22 milliards de dollars; le Brésil est à la 11ème place avec 1,21 milliards de dollars; le Salvador est à la 14ème position avec 1,08 milliards de dollars et la République Dominicaine est en position 17 avec 0,84 milliards de dollars. Ces 20 pays reçoivent 88% des remesas internationales (remesa = l'argent envoyé par les émigrés à leurs familles restées au pays)(PNUD 1999, 27).

. Dans certains pays de tels envois d'argent signifient un poids significatif de l'économie: à Haïti ils apportent 24% du Produit Intérieur Brut, 11% au Nicaragua, 10% au Honduras, 14% au Salvador et 10% en République Dominicaine (CEPAL 2005, 13).

. Selon la CEPAL, l'Amérique latine et les Caraïbes sont une des régions qui reçoit le plus de remesas. Durant l'année 2004 elles représentaient autour de 45 milliards de dollars, chiffre similaire au montant de l'Investissement Etranger Direct (IED) et largement supérieur à l'aide officielle pour le développement reçue dans la région. C'est en fait l'Amérique Latine et les caraïbes qui aident d'autres régions en leur apportant de la main d'œuvre déjà formée et productive à laquelle on ne reconnait aucun droit du travail ou humain.

. De cette façon, l'Amérique latine exporte son futur, des bras pour les récoltes jusqu'aux cerveaux pour la technologie de pointe. Ainsi, Carlos Lage, vice-président du Conseil d'Etat Cubain affirme: "Un million de scientifiques et de professionnels formés en Amérique Latine, pour un coût de quelques 30 milliards de dollars, vivent aujourd'hui dans des pays développés, et nous devons payer pour utiliser leurs innovations et leurs apports, ou nous en passer." Il n'est pas juste qu'il existe un libre flux de marchandises alors que les obstacles au libre mouvement de la force de travail sont croissants et que des nouvelles barrières, non-douanières, apparaissent dans les pays riches."(Lage 1999, cit. por Martínez Enríquez, 2006, 145).

. Les Etats-Unis et l'Union Européen ont désespérément besoin des bras bon marché de nos émigrés pour se battre dans leurs guerres impériales, faire marcher leurs industries et maintenir leur populations vieillissantes. Les lois discriminantes existent pour les maintenir en dehors des salaires justes, des Droits de l'Homme, de l'Humanité.


>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

Traduit par R.V. avec l'autorisation de Luis Britto Garcia. (me contacter pour une amélioration)
Article original en espagnol disponible ICI

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire