13 nov. 2011

Entre assassins tu te vois




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Dans le documentaire d’Errol Morris “The Fog of War”, Robert McNamara, ancien Secrétaire de la défense des Etats-Unis, confessait que « si nous avions perdu, nous aurions tous été jugés comme criminels de guerre ». Noam Chomsky propose un tel jugement pour tous les présidents étasuniens. Il n’exagère pas : le document du gouvernement des Etats Unis daté de 1960 Selective Assassination as an Instrument of Foreign Policy, ISBN 1-58160-296-0 consacre l’assassinat comme un instrument de la politique extérieure. Lawrence Davidson témoigne que, pendant la guerre du Vietnam, le programme Phoenix de la CIA a assassiné de sang froid 23 369 présumés membres du Vietcong. Ce chiffre est dépassé par l’hécatombe de plus de 500 000 communistes en 1965 en Indonésie, selon les listes préparées par la CIA et utilisées par des militaires entrainés aux Etats-Unis. Obama proclame que le génocide en Libye est « le modèle des relations internationales ».
Cantinflas demanderait : Parlons-nous comme des gentlemen, ou comme ce que nous sommes ? Nous vivons l’impérialisme humanitaire, c’est á dire les masques qui tombent.

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La boucherie contre des victimes sans défense ou des prisonniers désarmés est-elle un hasard ou une exception ? L’Empire ne connait pas d’autre politique. En notre Amérique, il est impossible d’oublier les assassinats de Benjamín Zeledón, Francisco Madero, Emiliano Zapata, Pancho Villa, César Augusto Sandino, Julio Antonio Mella, Fabricio Ojeda, Alberto Lovera, Jorge Rodríguez, el Che Guevara, Salvador Allende, Oswaldo Letellier, Arnulfo Romero, le pere Ignacio Ellacuría, Francisco Caamaño Deñó, Manuel Reyes, du Mono Jojoy, parmi des centaines de milliers qui viennent faire grossir les statistiques. Ajoutons-y prés de trois mille chiliens et 8 960 argentins, et plus de dix mille vénézuéliens et qui sait combien de centaines de milliers de péruviens et de colombiens et de guatémaltèques et de salvadoriens et d’honduriens exterminés par des gouvernements instruments de Washington. La boucherie s’est transnationalisée avec l’opération Condor, alliance entre les dictatures qui consacrait la diplomatie de l’assassinat. Le président équatorien Roldós et son homonyme du Panama Omar Torrijos périssent dans d’inexplicables accidents d’avion. Il y a eu plus de 900 tentatives d’assassinat contre Fidel ; et on ne sait combien contre Chavez. Rafael Correa y a échappé par miracle. Même les vieux laquais devenus inutiles ne sont pas á l’abri : la CIA connaissait tous les détails du complot contre Rafael Leonida Trujillo, et elle n’a pas bougé le petit doigt pour le sauver. La politique se mélange avec la mafia.

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La machine á assassiner opère seulement dans l’arrière cour des Etats-Unis? Prions pour Patrice Lumumba. Prions pour Yasser Arafat, mort d’un « mystérieux désordre sanguin » que son conseiller Bassam Abu Sharif a qualifié d’overdose de thallium administré par le Mossad. Lawrence Davidson crédite aussi le Mossad de l’assassinat en série de scientifiques iraniens qui travaillent á l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Rappelons-nous de Milosevic, mort mystérieusement au début du jugement auquel l’ont soumis ceux qui ont détruit son pays. Une nouvelle arme de lâche, l’avion sans pilote, en aurait terminé avec Oussama Ben Laden. D’innombrables innocents meurent de la même façon quotidiennement au Pakistan. L’assassinat, guerre individualisée, se confond avec la guerre, assassinat á grande échelle.

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Les Etats nationaux ont surgi avec le remplacement des armées de mercenaires par des armées de volontaires ; les empires périront par le remplacement de leurs volontaires par des mercenaires. Rome a remplacé ses milices de citoyens par des barbares á solde, et les barbares ont pris Rome des qu’on cessa de les payer. Les Etats-Unis louent pour leurs larcins des marginaux qui se vendent pour de la nourriture ou des immigrants qui le font en échange d’une carte de citoyenneté. Le service militaire obligatoire a disparu dans la majorité des pays européens : on tue pour l’argent. Mais l’argent tue. Des pays militairement occupés servent seulement de bases pour occuper militairement d’autres pays. La tentative de privatisation de la vie se termine en privatisation de la mort. Les milices informelles qui prétendent servir l’Etat formel le convertissent en leur instrument. Les assassins achetés par la police achètent les politiciens. L’assassinat devient la seule loi. Qui tue pour le sicaire, meurt pour le sicaire. Le paramilitaire est le véritable visage de l’empire.

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Est-il donc étonnant que 20 000 attaques aériennes avec des bombes et des projectiles téléguidés assassinent plus de 50 000 victimes sans défense dans un pays auquel on n’a pas déclaré la guerre ? Qu’une foule de chasseurs de primes lynche un prisonnier qui agonise terrassé par un bombardement ? Qu’ainsi s’achève une chaine d’attentats qui a commencé par le bombardement, en temps de paix, de sa résidence, et qui a éliminé systématiquement les membres de sa famille ? Qu’une secrétaire d’Etat se vante en disant ; « Nous sommes venu, nous avons vu, il est mort? Un pays qui en 2011 dépense 708 milliards de dollars en armement, soit plus de la moitié des dépenses de guerre mondiales, peut-il faire autre chose ?
Dispose-t-il d’autres moyens pour payer sa dette publique qui dépasse 102% de son Produit Intérieur Brut ? Existe-t-il d’autres ressources pour un empire qui produit seulement des fraudes financières ? Un système de génocides peut-il exercer une industrie autre que celle du pillage ? Y a-t-il de la place dans son esprit pour autre chose que la destruction de la Bibliothèque de Babylone, ou l’actuel larcin des Trésors archéologiques de Bengazi ou de la Banque Nationale du Commerce Lycienne ? L’assassinat c’est l’économie, la politique, la diplomatie, la culture, la religion de l’Empire. C’est ainsi qu’ils mettent sur pied la rébellion qui les fera gouter leur propre traitement.

Le siècle d’Hérode n’est pas terminé

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